Analyse et essai de shadow.tech en 2023

Présentation et essai du service shadow.tech, l’entreprise de cloud-gaming partie en fumée et rachetée par des experts français du cloud et de la fumée.

Shadow.tech est une entreprise de cloud-gaming fondée en 2015 par Emmanuel Freund, Stéphane Héliot et Asher Kagan-Criou, remise en redressement judiciaire en mars 2021, le 30 avril 2021 HubiC (aka ovh) reprend l’entreprise. Mais je ne vais pas m’étendre là-dessus, vous retrouverez toute leur histoire sur wikipedia.

Le client de shadow.tech est le résultat d’un développement interne, il est riche de fonctionnalités, multiscreen, partage des devices USB du client à la machine virtuelle shadow, support d’un buffer permettant le copier-coller, du transfert de fichiers entre le client et la machine virtuelle shadow, un espace de stockage accessible avec leur outil shadow drive et d’une excellente finition. La liste des appareils compatibles avec leur client est bonne, supportant les classiques Windows, Linux, macOS, mais aussi pi os, Android, ios, Apple tv, Android tv et l’oculus quest 1 et 2.

Les offres et tarifications

Shadow propose de multiples offres, deux "gaming" et quatre "pro". Attardons-nous sur les offres "gaming".

C’est ici que l’histoire amusante commence. Étant suisse, je commande l’offre gaming "power", qui d’après leur site donne accès à un gpu "GPU NVIDIA® RTX™ 3070 Ti", j’attends la livraison, boot ma machine et je constate que j’ai une "NVIDIA RTX A4500" qui est plus ou moins 10 à 15 % en dessous de la 3070Ti niveau performance moyenne, mais il semblerait que ce soit lié au fait que je sois attribué au datacenter de Zurich afin de me proposer la meilleure latence possible, soit, nous reviendrons dessus plus tard.

Analyse du service

Réseau

Votre machine virtuelle se retrouve sur un LAN, de multiples clients semblent se partager donc une adresse IP publique.

Latence

Durant mes tests je n’ai pas constaté de problème réseau ni latence anormale, y compris en heure de pointe. Les latences sont excellentes de manière générale, on peut supposer que d’avoir Ovh derrière aide considérablement.

Un test rapide sur ip.bieringer.net semble indiquer que shadow ne fait pas de CGN, ce qui est une bonne nouvelle.

Bande passante

Shadow nous annonce 1Gb/s en téléchargement et 100Mbps en upload, ce qui est confirmé ici.

Un speedtest chez Ovh confirme la bande passante annoncée.

Streaming

Le client shadow possède de multiples options, mais est très pauvre dans la configuration des options vidéos du streaming. On y trouve la possibilité d’activer le H.265 et la bande passante maximale (max à 70Mbit/s) et le choix du protocole, UDP pour une meilleure latence, mais avec un risque de perte de paquets, TCP pour avoir une correction en cas de perte, mais augmentant ainsi la latence, TCP étant "plus lourd" à traiter et voulant la plus faible latence possible je suis resté en UDP. Ma configuration est simple, H.265 activé, bande passante maximale à 70Mbit/s en UDP.

Le ping entre mon PC physique et la machine virtuelle Shadow est oscille entre 20 et 22ms, pas mauvais, je suis un peu déçu, mon fournisseur d’accès à internet est à Zurich et possède un excellent peering, je sais que je suis difficile, mais j’aurai espéré être dans les 10 à 15ms, pas que ça change grand chose, je suis râleur et je resterai râleur!

Comme on peut s’y attendre, la majorité des jeux sont parfaitement jouables une fois qu’on est habitué à la latence, le plus important est la constance de cette latence. Je n’ai pas rencontré de véritable difficulté supplémentaire sur Elden Ring, mais comme indiqué dans mon analyse de stuf.tech, je ne tenterai jamais un run ou un jeu qui demande du frame perfect en cloud-gaming, je suis stupide, pas fou.

Pour travailler, le client shadow facilite grandement la vie, on à quasi l’impression d’avoir une machine virtuelle locale. Ainsi travailler sur Unreal, Godot ou Blender n’est absolument pas un problème, le transfert de fichier en drag&drop du client shadow est une bénédiction, pas toujours très rapide, mais fonctionne bien.

Résolution

Ici de nouveau une grande force de shadow, le client s’adapte à la résolution locale, supporte le multi-screen ainsi que le 144hz. Excellente intégration!

Parsec

Aux chiottes Parsec, les fonctionnalités du client shadow font passer parsec pour un outil totalement dépassé. Je n’ai même pas voulu l’installer, car la régression serait trop importante, surtout sous Linux, avec le client shadow j’ai du décodage hardware! Ce que Parsec est incapable de faire depuis 2022.

Performances hardware

Attaquons maintenant dans le vif du sujet et le plus intéressant, les performances.

Et c’est là qu’on dit aie aie aie, c’est cher pour ce que c’est!

Nous allons débuter par le stockage, si celui-ci est annoncé comme étant du SSD, les performances ne sont pas folles, l’écriture est lente et la lecture un peut mieux, mais ça traîne quand même. Cependant même si l’écriture est comparable, la lecture elle, est bien mieux que les offres de stuf.tech!

Si vous travaillez sur Unreal, pire un projet Unreal en C++ et que vous devez, comme (trop) souvent, fermer l’éditeur entre deux compilations, il va falloir vous préparer un budget cafés colossal!

Cinebench r24 / 2024

Les résultats de Cinebench ne sont pas incroyables, mon ultrabook, qui a déjà quelques années, fait malheureusement bien mieux que ça (sauf sur le GPU du test 2024 bien entendu).

3dMark

Les résultats de 3dMark, en prenant en compte le tarif, sont passables sans êtres excellents. Comme d’habitude en virtualisation, on constate une perte de performance par rapport à la moyenne annoncée par 3dMark, mais rien de terrible et dans la norme.

Latencymon

On constate des piques importants au niveau de usbport.sys, pas top top tout ça.

Unreal Engine

Comme d’habitude avec un stockage lent, le téléchargement et décompression du projet Epic "Valley of the Ancient" permet d’assouvir votre addiction à la caféine. En un peu moins de deux heures, le projet est disponible.

Une fois la compilation des shaders finie, le projet se lance assez rapidement. Et on constate rapidement que le pauvre cpu dépasse les 90 % de charge alors que le gpu oscille entre 60 et 70 %. Niveau fps on fluctue entre le bas 30 et 40ish en moyenne.

Conditions d'utilisation

Tout aussi intéressant que la bible, 45 pages... chiantes au possible, on y trouve entre autres :

SHADOW se réserve la faculté de modifier ses prix à tout moment, sous réserve d'en informer le Client par courrier électronique ou par un avertissement en ligne un mois à l'avance si les nouveaux tarifs hors taxes sont moins favorables au Client. Dans cette hypothèse, le Client disposera à compter de cette information d'un délai d'un mois pour résilier le présent contrat sans pénalité. A défaut, le Client sera réputé avoir accepté les nouveaux tarifs. Les modifications de tarifs seront applicables à tous les contrats et notamment à ceux en cours d'exécution.

(...) La mise à disposition du service intervient après activation du compte client par SHADOW et dans un délai maximal de 7 jours à compter du paiement effectif du bon de commande par le Client dans le cadre d’une offre payante.

(...) SHADOW s’engage à ne pas intervenir sur les données du Client en dehors de la faculté de dupliquer les contenus de l’espace de stockage au sein de l’infrastructure à la seule fin de garantir la redondance du Service en cas d’interruption éventuelle.

Concernant la suppression de compte, je n’y suis pas encore, mais voici les conditions :

Pour supprimer vos données personnelles, vous devez répondre aux exigences suivantes : Votre abonnement doit être terminé depuis plus de 24 heures. Toutes les factures ou les paiements en suspens doivent être réglés dans leur intégralité. Vous pouvez supprimer définitivement vos données personnelles de nos systèmes en contactant notre équipe Support. En raison d'obligations légales, nous conserverons une trace de vos factures après la suppression de votre compte.

Bref, je ferai une mise à jour une fois que j’aurai pu tester la suppression de compte.

Installation par défaut

L’approche de shadow est bien faite, vous proposant deux types d’installations, manuelle ou automatique. L’installation automatique vous préconfigure votre machine comme demandé dans la popup du site (sélection du clavier, de la langue), tandis que l’installation manuelle vous laisse sur le menu de fin d’installation de Windows, vous permettant de finaliser l’installation. Bon point!

Si comme moi vous refusez d’ouvrir un compte Microsoft, n’oubliez pas qu’il est possible de sauter cette étape, au moment de rentrer vos informations de login renseignez quelque chose de bidon comme "user@user.com", Windows va alors dire qu’un problème est survenu et vous laissera créer un compte local sans avoir besoin de couper la connexion internet (qu’il est bien entendu impossible de faire ici).

Conclusion

Pour avoir testé de nombreuses solutions de cloud-gaming j’avoue être hésitant. L’intégration du client est vraiment bonne, à vrai dire c'est le meilleur client qu’il m’a été donné de tester. Toutefois, les performances, surtout pour un tarif aussi élevé, ne sont pas incroyables. Si vous commencez à calculer un budget annuel de 600€, en prenant aussi en compte les limitations des jeux exécutables (toujours les mêmes problèmes avec les anti-cheats en virtualisation), de l’input lag (par rapport à une machine physique), pour 600€ annuel je préfère largement me trouver une machine d’occasion, et dans laquelle les 600€ de "l’année suivante seront investis" en upgrade au besoin. Je ne parle pas de l’offre "Boost", car une 1080 non Ti en 2023 ce n’est pas une affaire. Si on est bricoleur, il est possible de monter une machine avec un vieux x99, un ancien GPU de datacenter de la série pascal et faire sa propre virtualisation pour un tarif pas exorbitant (sans prendre en compte le coût de l’électricité). Il serait de plus possible de partager les GPU entre plusieurs machines virtuelles locales afin de pouvoir en faire profiter votre famille et vos amis.

Reste la mobilité et la possibilité de faire tourner des applications "lourdes" avec un appareil léger, c’est ce qui fait la force du cloud-gaming, et le seul point que j’arrive à justifier avec cette offre. Néanmoins pour un tarif aussi élevé, je préfère encore gérer mon propre homeserver combiné à moonlight/sunshine et parsec, car même si ça me force à devoir supporter l’incompétence de parsec via à vis de Linux. Au moins ce que je paie m’appartient.

Maintenant mon premier gros coup de gueule, j’adore ma Steam Deck, je l’utilise quasiment plus que mon ultrabook, que ce soit pour travailler ou jouer. J’ai alors voulu installer le client Linux. Shadow distribue le client sous la forme d’un paquet deb ainsi que sous format appimage, génial vous vous dites! Hé bin non, bien qu’il soit possible de lancer shadow en mode desktop sur Steam Deck, en mode jeu ça ne fonctionne pas, j’ai perdu de nombreuses heures à tenter de corriger le problème sans y parvenir.

Mon second coup de gueule concerne les offres, comme indiqué au début de l’article j’ai souscrit la première fois à l’offre "power" avec 1To de disque supplémentaire, shadow m’a attribué un datacenter proche qui n’a pas de 3070Ti, et je me suis retrouvé avec une machine possédant une A4500, génial pour la vram mais moins pour les performances, et quand on creuse on a l’impression d’être pris pour un idiot. Car l’offre "power" propose une 3070Ti et 512Go de stockage sur le disque c pour 49.98€, maintenant si on regarde dans les offres "pro" on trouve la machine correspondante à celle qui m’a été livrée, à la différence que le stockage passe à 1To pour le disque c au tarif mensuel de 54.99€. Hors shadow vend les 256Go supplémentaires (alloués au disque d) à 2.99€, ce qui signifie que l’offre "power" reviendrait à 55.96€ contre 54.99€ pour l’offre "pro advanced", alors oui je chipote pour moins de 1€, mais pour le coup l’offre pro est un chouia plus intéressante.

En cas de crash total de la machine shadow il est possible de relancer l’installation de Windows via le panel shadow, bien entendu toutes les données du disque c seront supprimées. Néanmoins si vous commandez de l’espace disque en plus (facturé 2.99€ par tranche de 250Go), celui-ci sera disponible sur un second disque monté comme disque d, qui lui n’est pas formaté en cas de réinstallation. En cas de freeze ou de crash je n’ai pas trouvé de moyen pour reboot la vm, mais il semblerait que le client propose de reboot voir shutdown la vm si celle-ci ne répond plus. Ce qui est une excellente nouvelle.

Au final je reste mitigé, sur le papier l’offre est intéressante, le client excellent, la liste des devices supportés très bon. Toutefois la faiblesse du cpu, un gpu dépendant du datacenter (et sans moyen de le vérifier avant de passer commande), une équipe qui se fait hack et leak les données clients car leurs employés cliquent sur des liens random discord. Le tout derrière un tarif important que je n’arrive pas à justifier, fait que je ne suis pas convaincu. Pour un budget annuel aussi élevé je préfère monter mon serveur@home avec du hardware d’occasion combiné à moonlight/sunshine et parsec en failover.

Malgré tout, c’est l’offre de cloud-gaming la plus facile d’utilisation, elle est très bien polie et ne demande pas de compétences techniques avancées. Si vous avez trop d’argent, ou que vous n’êtes pas tech ou pas du genre à bricoler, et que vous chercher le "it just work", alors cette offre est intéressante. Car malgré son tarif élevé pour les performances, nous avons ici un produit fini, fonctionnel avec une bonne intégration. J’ai tout de même la sensation de voir un projet qui a été lancé pour les joueurs et qui a migré en cours de route pour essayer de proposer du remote desktop aux entreprises.